La Haute Cour du Lahore, dans la province du Penjab au Pakistan a rendu fin février une décision importante contre les conversions à l’islam et les mariages forcés de jeunes filles mineures. Une victoire pour les minorités religieuses et notamment, pour la communauté chrétienne.
Une ordonnance provisoire rendue par la Haute Cour du Lahore le 28 février, contre les mariages de jeunes filles mineures a fait naître de l'espoir dans la communauté chrétienne du pays.
"Cette ordonnance marque un tournant dans la lutte contre les mariages de mineures au Pakistan, en particulier dans les communautés chrétiennes et hindoues" s’est réjouie l’avocate chrétienne Sumera Shafique dans un entretien avec Morning Star News.
Saisie par une plaignante musulmane Ramzana Bibi qui s’opposait au mariage forcé de sa nièce, encore mineure, la Haute Cour de Lahore a ordonné au gouvernement régional d'appliquer les lois interdisant le mariage des mineurs. La Haute Cour a également créé un comité de suivi de la mise en œuvre de ces mesures, et a demandé aux autorités locales l’annulation de tous les mariages de mineurs.
Au Pakistan, 6e pays dans le monde comptant le plus de mariages de jeunes filles de moins de 18 ans selon un rapport des Nations unies publié en 2020, la lutte contre les mariages forcés rejoint celle contre les conversions forcées des minorités religieuses, dont la minorité chrétienne. En effet, les jeunes filles chrétiennes sont régulièrement enlevées, converties à l'islam et mariées de force à leur ravisseur.
Si la loi pakistanaise interdit les mariages de jeunes filles, dans les faits, la charia (ou loi islamique NDLR) qui l’autorise conserve une autorité très forte dans un pays à plus de 95% musulman. L’avocate Sumera Shafique, engagée dans la lutte contre le mariage forcé de jeunes filles, estime que la législation contre les mariages des jeunes filles reste décisive dans la lutte contre les conversions forcées.
"Non seulement l’ordonnance renforce le cadre juridique contre les mariages forcés, mais elle marque aussi une évolution plus large vers des mesures plus vigilantes et plus proactives pour protéger les droits et le bien-être des jeunes filles dans toute la province."
Chaque année, près de 1 000 jeunes filles chrétiennes ou hindoues, de 12 à 25 ans en moyenne, sont mariées de force à des hommes musulmans, selon l’ONG Portes Ouvertes. Un phénomène notamment observé dans les provinces les plus rurales du Pakistan où l’accès à l’éducation et au travail est plus difficile.
Le président de l'Église du Pakistan, l’évêque protestant Mgr Azad Marshall, s'est félicité de la décision de la Haute Cour de Lahore, espérant que la mesure fera annuler les mariages de mineurs existants et interdira les futures demandes de mariage impliquant des mineures. Il appelle également à l’interdiction des conversions forcées, souhaitant que la récente modification de la loi sur le mariage des chrétiens, fixé à 18 ans minimum, ouvrira la voie à une législation plus poussée en matière de protection des jeunes filles.
Au Pakistan, les chrétiens qui représentent environ 1,6 % de la population, soit un peu plus de 3 millions de personnes, souffrent de nombreuses persécutions, notamment en raison des lois anti-blasphème souvent utilisée pour cibler les minorités religieuses. Le pays figure à la 7e place de l'Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2024, établi par l’ONG Portes Ouvertes.
Jean-Benoît Harel